À 75 ans, l’ancienne Première dame est bien décidée à peser sur le scrutin d’octobre 2025. Ces derniers mois, elle multiplie les rencontres avec les différentes forces de l’opposition, afin de nouer une alliance pour battre le RHDP. Pourra-t-elle unir la gauche ivoirienne ?
Le 20 juin, Simone Gbagbo a fêté ses 75 ans, lors d’une célébration à la fois familiale et politique. Outre ses proches, plusieurs personnalités l’entouraient, parmi lesquelles Charles Blé Goudé, le président du Congrès pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) qui l’appelle affectueusement « maman », ou encore Jean-Marc Yacé, le maire de Cocody issu du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Loin d’envisager de prendre sa retraite, l’ancienne Première dame peaufine, au contraire, sa stratégie dans la perspective de la présidentielle d’octobre 2025.
L’hypothèse d’une candidature, elle ne l’écarte pas. Officiellement, elle laisse cette décision à son parti, qui tranchera lors d’une convention en novembre prochain. « Simone a toujours eu ses propres ambitions politiques et son divorce n’a fait que les révéler au grand jour », confie un membre de son premier cercle. En effet, depuis son retour sur la scène politique en 2018, après avoir bénéficié d’une amnistie du président Alassane Ouattara, elle n’a cessé de tracer sa propre voie.
Ruptures avec Laurent Gbagbo
En août 2022, la création du Mouvement des générations capables (MGC) a marqué un tournant dans cette rupture, à la fois personnelle et politique avec Laurent Gbagbo. « C’était une nécessité », explique Akoï Kacou Innocent, vice-président coordonnateur du parti. « Avec l’ancien président, nous nous étions mis d’accord sur un certain nombre de choses mais, une fois rentré, il n’a pas tenu parole. Dans le même temps, alors que nous avions décidé de prendre une autre direction, Simone Gbagbo a pratiquement été écartée de la nouvelle formation qu’il a créé, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire [PPA-CI], et nous avons donc demandé à celle-ci d’en créer une autre. »
Quel avenir pour Simone sans Gbagbo ?
Simone Gbagbo a donc pris les choses en main, arguant que l’opposition ivoirienne a besoin d’un nouveau souffle pour espérer battre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti au pouvoir. « Elle demeure une grande figure politique, c’est pourquoi nous pensons que le MGC peut jouer un grand rôle en Côte d’Ivoire », poursuit Akoï Kacou Innocent, originaire de Bonoua, au sud d’Abidjan, et de la même ethnie – Abourey – que l’ex-Première dame.
Cette dernière l’a affirmé : elle souhaite souder la gauche ivoirienne. « Nous appelons à l’union pour mener le combat des réformes électorales », déclarait-elle début mai lors de la deuxième édition de la Fête des Libertés à Bondoukou, dans l’est du pays. Elle estime que le système électoral actuel « n’est pas crédible » et nécessite une refonte en profondeur. « L’objectif est de peser pour que la commission électorale soit véritablement indépendante et que les élections se déroulent dans de bonnes conditions », explique un autre cadre du MGC.
Rencontres avec le PPA-CI et le PDCI
Seule, elle sait qu’elle pèse moins dans les urnes que Laurent Gbagbo. « Quel est le poids électoral de Simone ou encore de Blé Goudé ? Ils répondent tous de Gbagbo, c’est la figure tutélaire de ce grand ensemble de la gauche », jure un ancien fidèle de l’ex-chef de l’État. La présidente du MGC multiplie donc les initiatives. En mai 2024, elle a ainsi lancé un appel à l’union de la gauche, invitant les partis politiques et les organisations de la société civile à se rassembler pour porter des revendications communes face au pouvoir en place. Une démarche saluée par plusieurs de ses anciens camarades, à l’instar de Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien ou de Charles Blé Goudé.
En coulisses, elle multiplie également les rencontres avec les différentes forces de l’opposition. Des responsables du MGC se sont ainsi entretenus à plusieurs reprises avec des délégations du PPA-CI et du PDCI. « On discute avec pratiquement tous les autres partis politiques, sauf le RHDP », affirme Akoï Kacou Innocent.
Une dynamique concrétisée le 10 juin dernier avec la création de la plateforme Rassemblement pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (RAP-CI), présidée par l’ancienne ministre Danielle Boni Claverie, qui réunit quatre partis et une trentaine d’organisations de la société civile. Le jour de la présentation officielle de cette nouvelle coalition, plusieurs figures de la scène politique ont fait le déplacement : Simone Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, Angèle Boka représentant le PPA-CI de Laurent Gbagbo, Rosselin Blin, envoyée de Charles Blé Goudé pour le Cojep ou encore Pulchérie Gbalet, à la tête de l’Alternative citoyenne ivoirienne.
Religion et famille
Simone Gbagbo a publié deux ouvrages, Ma sortie de prison et Du sous-sol de la République à la restauration et participé, en mai 2024, au Salon international du livre d’Abidjan, où son stock d’exemplaires s’est rapidement épuisé. Elle apparaît également ces derniers temps lors de défilés de mode et fréquente désormais l’église La Majestueuse du pasteur Désiré Amouzou Kassi, alors qu’elle était autrefois proche du pasteur Koré Moïse. Certains y voient une volonté de renouveau, en accord avec ses ambitions présidentielles.
Sur le plan politique, elle s’appuie sur sa nièce Bintou Ouattara, adjointe au maire de Cocody et sa fille Marie-Pascale, ex-épouse de Stéphane Kipré et adjointe au maire d’Abobo. L’autre jumelle, Marie-Patrice, gère une partie de sa communication entre Abidjan et Accra. « Les liens familiaux restent forts, même avec Laurent Gbagbo. Ils ont leurs canaux de discussion », révèle un proche.
Jeune Afrique
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