Lors d’une rencontre avec la diaspora ivoirienne à Paris lundi 24 novembre, Tidjane Thiam n’a pas mâché ses mots. Critiquant vivement la gestion des indicateurs de développement humain en Côte d’Ivoire, il a dénoncé l’écart entre les richesses du pays et le niveau de vie des populations, tout en réaffirmant sa volonté de briguer la présidence en 2025 pour impulser un véritable changement.
« J’ai consulté mes statistiques, et en matière de Développement Humain, la Côte d’Ivoire, notre pays, était classée 166e. Cela a déclenché un tollé, car certains ont rétorqué que nous ne sommes pas 166e, mais 159e.
Admettons ! Je leur concède la 159e place. Mais soyons honnêtes : c’est toujours un classement médiocre. Être 159e sur 193 pays, ce n’est pas un bon résultat, surtout quand on considère que nous devrions être, au minimum, à la 135e place si notre niveau de richesse ou de pauvreté relative était correctement traduit.
Un gouvernement qui ne ferait rien d’extraordinaire devrait, par simple logique, permettre au pays d’être mieux classé en Développement Humain. Le rang qu’occupe aujourd’hui la Côte d’Ivoire est l’un des pires au monde.
Regardons les exemples autour de nous : le Rwanda est classé 9 places au-dessus de ce que son niveau de richesse pourrait laisser supposer, le Togo 8 places au-dessus. Ces pays traduisent mieux leurs ressources en développement humain.
La richesse en Côte d’Ivoire est créée par les Ivoiriens : les travailleurs, les paysans qui produisent le cacao, les transporteurs, etc. Le rôle de l’État est de transformer cette richesse en Développement Humain pour ceux qui la produisent. C’est aussi simple que cela.
En prenant tout cela en compte, il est clair que notre pays obtient une mauvaise note. En 1999, sous le PDCI-RDA, la Côte d’Ivoire était classée 129e. Cela prouve qu’il est possible de faire mieux, car nous l’avons déjà fait par le passé.
Vous pouvez même regarder les programmes de société de leaders comme Ousmane Sonko ou Diomaye Faye au Sénégal. Ils mettent en avant l’objectif d’améliorer l’IDH de leur pays. Mais ici, en Côte d’Ivoire, il y a des ministres qui vont jusqu’à dire qu’ils se fichent de l’IDH !
Ces ministres sont pourtant payés avec l’argent du contribuable. Comment un responsable peut-il affirmer qu’il se moque de l’éducation, du développement ou de l’espérance de vie d’un pays ? Cela doit changer, et c’est pourquoi je veux être président en 2025 : pour transformer cette situation.
(…) J’ai également parlé de réconciliation nationale. J’ai plus de crédibilité pour en parler et plus de chances de réussir, car j’ai fait mes preuves. À Odienné, j’ai déclaré que je suis le premier président musulman du PDCI. Ce n’est pas la religion que je mets en avant, mais le fait que mon élection a fermé la bouche à ceux qui qualifiaient le PDCI-RDA de parti anti-musulmans. Cela a permis de résoudre ce problème. »
Tidjane Thiam n’a pas mâché ses mots en pointant l’un des obstacles majeurs au développement du continent : la mentalité d’autolimitation. « Un des virus qu’on nous a inoculés en Afrique, c’est le manque de confiance en soi. Il faut arrêter avec cette mentalité qui fait reculer des gens qui ont la baraka. Moi, je n’ai jamais peur de prendre des risques, et toute ma vie, j’en ai pris et j’en prendrai. Nous sommes trop orientés vers le downside (les pertes potentielles) », a-t-il affirmé avec conviction.
Dans un autre pan de son intervention, Tidjane Thiam a critiqué la dépendance excessive des chefs d’États africains vis-à-vis des investisseurs étrangers. « Les chefs d’États africains passent trop de temps avec les investisseurs étrangers. C’est 80 % pour eux et 20 % pour les nationaux. Il faut inverser cette tendance aujourd’hui et bâtir nos champions à travers nos PME », a-t-il déclaré.
Pour lui, l’avenir économique du continent repose sur le développement de grandes entreprises nationales capables de rivaliser à l’international. « Il nous faut aujourd’hui de très grandes entreprises ivoiriennes », a-t-il martelé, appelant à une refonte des priorités gouvernementales pour soutenir les entrepreneurs locaux.
Tidjane Thiam a également évoqué ses échanges réguliers avec des figures africaines emblématiques telles qu’Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria. « Je vais souvent voir le président Obasanjo. Il me reçoit et me donne beaucoup de conseils. C’est un des plus sages hommes de l’Afrique, qui a ramené les civils au pouvoir et s’est retiré tranquillement. Vous savez, quand les gens ont un certain âge, il vaut mieux les avoir comme conseillers plutôt que comme patrons », a-t-il confié.
Enfin, Tidjane Thiam a appelé à la fermeté dans la défense des valeurs africaines. « Nous devons être fermes et attachés à nos valeurs. Nous avons trop perdu », a-t-il déclaré, exhortant son auditoire à redoubler d’efforts pour préserver l’identité culturelle et le patrimoine africains face aux défis de la modernité.
David Kouassi
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