Après de longues mois de maladies, Mamadou Koné, ex-président du Conseil constitutionnel dans sa soixante-douzième année (72 ans) est décédé ce lundi à Abidjan, a t on appris auprès d’une source proche.
Voici son dernier discours prononcé le 14 février à l’occasion de la présentation des vœux de nouvel au conseil supérieur de la magistrature.
» (…) C’est avec une vive émotion et un profond sentiment de reconnaissance que je prends la parole pour répondre aux vœux chaleureux que vous avez bien voulu m’adresser, par la voix de vos porte-paroles respectifs ; vœux pleins de profondeur et de densité !
Mesdames et messieurs les Hauts Magistrats, chers Collègues, chers Collaborateurs membres du Personnel Administratif, Technique et Militaire et chers frères et sœurs !
L’émotion que je ressens en ce moment est d’autant plus grande que c’est pour la première fois que je m’adresse à vous en tant que Président de cette Institution appelée Conseil Supérieur de la Magistrature dans son nouveau format, c’est-à-dire fonctionnant de manière autonome.
Mesdames et messieurs !
Du plus profond de mon âme, et avec toute la sincérité qu’elle véhicule, je vous dis infiniment merci car au-delà des mots, je sens que vos messages traduisent un haut degré de votre marque d’estime et de fraternité à mon endroit.
Permettez-moi donc, de formuler en retour, pour chacune et chacun de vous, ainsi que pour tous les membres de vos familles respectives, des souhaits non moins chaleureux et sincères, de Bonne, Heureuse et Paisible année 2024.
Je vous souhaite avant tout une excellente santé. Aujourd’hui, plus que jamais, c’est-à-dire à l’épreuve de la maladie, je puis vous témoigner que la santé est le premier des biens ; celui dont la maîtrise est un préalable à la conquête d’autres biens et richesses.
Je souhaite donc que le Tout-Puissant, Maître, possesseur et détenteur de toutes les grâces, vous accorde la santé en abondance.
Après la santé, je vous souhaite, de surcroit, le meilleur dans tous les compartiments de votre vie.
Mesdames et messieurs !
Il est d’usage que la cérémonie d’échanges de vœux de nouvel an soit l’occasion, de présenter le bilan des activités de l’année qui s’achève et de dessiner les perspectives vers lesquelles vont s’orienter nos actions futures.
Mais, après seulement environ un trimestre d’activités, quel bilan sérieux pourrais-je vous présenter ?
Qu’il me suffise donc, avec votre permission, de vous faire un bref historique du Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa formule actuelle.
En effet, il me faut vous dire, sans trahir, je l’espère, un quelconque secret de délibérations, que c’est à l’hôtel du Golf, sous le blocus de sinistre mémoire, alors qu’il venait de me nommer comme son Conseiller Spécial chargé des Affaires Juridiques, que le Président de la République, Son Excellence Alassane OUATTARA, au cours d’une séance de travail, m’a confié, pour la première fois, je cite : « C’est certainement parce que je ne suis pas juriste, mais je trouve une incohérence dans le fait que dans un régime de séparation des pouvoirs consacré par la Constitution, le Président de la République, Chef incontesté du Pouvoir Exécutif, soit en même temps Chef du pouvoir Judiciaire. Il faut que cela change ». Fin de citation.
Il avait d’autant plus raison que depuis la Constitution de l’an 2000, la Justice dans notre pays avait cessé d’être « Autorité judiciaire » pour être promue « Pouvoir Judiciaire ».
Je n’ai donc point été surpris, après l’adoption de la Constitution du 08 novembre 2016, de lire à son article 145 : « Le Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par une personnalité nommée par le Président de la République parmi les Hauts Magistrats en fonction ou à la retraite ».
Et comme pour montrer son impatience à sortir de ce cumul de pouvoirs qu’il considérait comme une incongruité, dès qu’il a placé les juridictions suprêmes sur les fonts baptismaux, il a nommé la Présidente de la Cour de Cassation, concomitamment, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature. L’essentiel pour lui était de se dessaisir du pouvoir Judiciaire pour permettre aux Magistrats de gérer eux-mêmes leur maison.
Et il en a été ainsi pendant trois (03) ans, jusqu’à ma nomination en juillet 2023, qui a marqué le début de l’autonomisation totale du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Je saisis l’opportunité de la présente cérémonie pour saluer et rendre un hommage mérité à Madame Chantal Nanaba CAMARA, actuelle Présidente du Conseil constitutionnel.
J’imagine qu’il n’a pas été de tout repos pour elle, de gérer le Conseil Supérieur de la Magistrature, commutativement avec une Haute juridiction surchargée, comme notre Cour de Cassation.
Tout début est difficile, comme on a coutume de dire.
Ma prise de fonctions n’a pas échappé à cette règle.
En effet, lorsque le Conseil Supérieur de la Magistrature était présidé par le Président de la République, toutes ses réunions, en dehors des audiences de la formation disciplinaire qui se tenaient ici-même, avaient lieu à la Présidence de la République, sous les sceaux, timbres et finances de la Présidence de la République.
Lorsque cette fonction a été dévolue à la Présidente de la Cour de Cassation, cette Haute juridiction avait mis ses structures et infrastructures à contribution pour faire fonctionner le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Mais pour fonctionner, cette nouvelle née des Institutions qui venait d’acquérir son entière autonomie devait d’abord se trouver un port d’attache : un Siège. Pour ce faire, avec un petit groupe de collaborateurs, et sous la conduite des Services du Ministère de la Construction, nous avons arpenté les quartiers d’Abidjan, à la recherche d’un bâtiment.
Informé de la situation, le Chef de l’Etat a rendu diligemment un arbitrage nous autorisant à nous installer ici, évitant ainsi à notre prestigieuse Institution d’être sans domicile fixe. Qu’il reçoive ici l’expression de notre infinie gratitude.
Une fois le Siège trouvé, il fallait l’équiper en mobiliers, matériels informatiques et de bureautique, ainsi que de petits matériels divers et recruter du personnel ; tout ceci, dans la période de juillet à septembre, c’est-à-dire à un moment où le Budget de l’Etat était déjà bouclé et déposé sur la table du Parlement.
Avec l’aide de personnes de bonne volonté, que je remercie au passage, et en exploitant les ressorts de l’Etat, nous avons pu démarrer nos activités. C’est pourquoi je voudrais vous demander d’accepter de supporter l’inconfort que vous pourriez déplorer dans vos conditions de travail. Ma volonté de les améliorer est grande. Et demain, vous pourriez revendiquer fièrement le statut de pionniers.
Nous nous souhaitons une bonne année. Mais souhaitons également bonne année et bon vent au Conseil Supérieur de la Magistrature. C’est un instrument important pour l’établissement et le renforcement de l’Indépendance du Pouvoir Judiciaire, cette indépendance dont le Bâtonnier français GARCON a pu dire : « La valeur de la Justice d’une Nation s’apprécie au degré d’indépendance de ses Magistrats ».
Quant à Michel Débré, il a pu dire, à juste titre, je cite : « En République, la place de la Justice est éminente, et sa faiblesse, un défaut qui, à la longue, ne pardonne pas. Une Administration mauvaise fait douter de l’Etat, une Justice mauvaise fait douter de la société ».
Tout ceci pour dire l’importance de la Justice dans un pays. Elle est la pierre d’angle de l’édifice social. En dehors de nos consciences individuelles, le Conseil Supérieur de la Magistrature est l’instrument approprié pour la construction d’une Justice forte qui fera le bonheur de tous nos compatriotes.
La sagesse africaine nous enseigne que, je cite : « Lorsque le poisson prie Dieu pour qu’il pleuve et qu’il y ait beaucoup d’eau dans la rivière, il ne prie pas pour la rivière ; il prie pour lui-même ».
Faisons en sorte que la Justice soit forte. Pour cela, aidons le Conseil Supérieur de la Magistrature à réussir sa mission.
Rien n’obligeait le Président de la République à renoncer à une partie de ses pouvoirs, abondance de pouvoir n’ayant jamais nui à personne. La balle est donc dans notre camp, pour utiliser un langage de CAN.
Faisons-en un bon usage.
Bonne et Heureuse Année 2024 à toutes et à tous.
Je vous remercie.
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