Lettre ouverte au pouvoir et à l’opposition
Objet: Pour un report des élections en Côte d’Ivoire, gage de stabilité et de démocratie
Messieurs et Mesdames les responsables politiques,
Le contexte actuel de notre pays exige une prise de décision historique et responsable. À l’approche des élections, la Côte d’Ivoire traverse une période de tensions politiques et sociales qui risquent de compromettre la stabilité et la paix durement acquises. En tant que citoyens préoccupés par l’avenir de notre nation, nous vous adressons cette lettre ouverte pour solliciter un report des élections, non par calcul politique, mais dans l’intérêt supérieur du pays. Cette requête est motivée par plusieurs considérations fondamentales qui garantiraient un scrutin transparent, démocratique et accepté de tous.
Le climat politique actuel est marqué par une profonde méfiance entre les différents acteurs. L’opposition dénonce un processus électoral biaisé tandis que le pouvoir assure que les conditions sont réunies pour une élection transparente. Dans ce contexte de défiance généralisée, il est à craindre que l’issue du scrutin soit contestée, ce qui pourrait entraîner des violences post-électorales aux conséquences incalculables. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire ainsi que l’expérience d’autres pays africains montrent que des élections organisées dans un climat d’instabilité conduisent rarement à la paix et à la cohésion nationale. Un report permettrait à toutes les parties prenantes de s’accorder sur des règles du jeu électoral acceptées de tous, réduisant ainsi les risques de contestation et d’affrontements.
Les dysfonctionnements administratifs et logistiques constituent une autre raison majeure justifiant le report des élections. De nombreux citoyens n’ont pas encore reçu leur carte d’électeur et la révision du fichier électoral a été entachée d’irrégularités. Dans plusieurs régions, des électeurs potentiels n’ont pas pu s’inscrire, ce qui remet en cause le principe fondamental d’inclusion et d’égalité démocratique. Organiser un scrutin dans ces conditions risquerait de provoquer un sentiment d’exclusion et d’injustice, favorisant ainsi des tensions sociales et politiques. Un report offrirait le temps nécessaire pour corriger ces insuffisances, afin de garantir une participation équitable de tous les citoyens à l’élection.
Les tensions intercommunautaires, qui ont été exacerbées par des discours politiques clivants, doivent également être prises en compte. Dans plusieurs régions du pays, des tensions latentes existent et pourraient se transformer en violences électorales si des mesures préventives ne sont pas mises en place. L’objectif premier d’une élection n’est pas seulement de désigner un dirigeant, mais aussi de renforcer la paix sociale et l’unité nationale. Pour y parvenir, il est impératif de créer un environnement électoral sécurisé et serein. Un report des élections permettrait de renforcer les dispositifs de prévention des conflits, de former les forces de sécurité à la gestion pacifique des scrutins et de sensibiliser la population à l’importance du dialogue et de la tolérance.
L’inclusivité du processus électoral est un autre enjeu majeur. Une démocratie véritable repose sur la participation de toutes les forces politiques et sociales du pays. Aujourd’hui, une partie de la classe politique et de la société civile se sent exclue du processus électoral. Un dialogue national avant toute élection est nécessaire pour permettre à toutes les parties prenantes d’exprimer leurs préoccupations et de trouver un terrain d’entente. Ce dialogue devrait aboutir à des réformes électorales consensuelles et à des garanties solides sur l’indépendance des institutions chargées d’organiser le scrutin.
Le report des élections ne doit pas être perçu comme un recul démocratique, mais plutôt comme une mesure de sagesse et de responsabilité. L’objectif n’est pas d’empêcher l’expression du suffrage populaire, mais de s’assurer que cette expression se fasse dans les meilleures conditions possibles. Une élection précipitée et contestée risque de fragiliser nos institutions et de plonger le pays dans une nouvelle crise. À l’inverse, un scrutin organisé dans un climat apaisé et inclusif renforcera la légitimité des futurs élus et la confiance des citoyens dans la démocratie.
Messieurs et Mesdames les responsables politiques, la Côte d’Ivoire se trouve à un tournant décisif. Vous avez aujourd’hui l’occasion de poser un acte fort en faveur de la paix et de la stabilité du pays. Nous vous exhortons à mettre de côté les intérêts partisans et à privilégier l’intérêt général. Le report des élections, assorti d’un dialogue national inclusif et de mesures correctives sur le processus électoral, est la meilleure garantie d’un scrutin crédible et accepté de tous.
Nous vous invitons donc à prendre la mesure de la situation et à agir en conséquence pour préserver l’unité et la cohésion de notre nation. L’histoire retiendra la posture que vous adopterez face à cette responsabilité. La Côte d’Ivoire a déjà payé un lourd tribut aux crises électorales. Il est de notre devoir collectif d’éviter de reproduire les erreurs du passé.
Dans l’attente d’une prise de position responsable et éclairée, nous vous prions d’agréer, Messieurs et Mesdames, l’expression de notre profond respect.
Dr Jean Cardino ZAKPA, PhD
Expert en Justice Transitionnelle
Président de l’ONG WALLOW
Abidjan le 31 mars 2025
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